"Notre passé est souvent comme un boulet que nous trainons derrière nous, il devient notre excuse préférée pour rester là où nous sommes. Etre heureux nous demande des efforts, sortir de notre zone de confort. Pour se libérer de son passé, il faut tout d’abord vérifier que nous voulons vraiment nous en libérer."
Ce n'est que le début de mon histoire et c'est le texte le plus difficile que j'ai écrit. Je l'ai modifié tellement de fois, j'y travaille dessus depuis tellement d'années. Je ne peux pas tout écrire, je ne peux pas tout décrire non plus. Je protège mon entourage et toutes les personnes que j'aime. Cette période de notre vie est une réelle souffrance. C'est pourquoi aujourd'hui j'ai décidé de vous en partager qu'une fine partie.
Merci à mes parents qui me soutiennent dans ma démarche.
Merci pour votre bienveillance à tous.
Partie I
<< Petite Laura, la vie ne sera pas facile mais tu feras toujours les bons choix. Tu prendras soin des gens que tu aimes. Tu trouveras l’amour, le vrai. Tu sauras t’entourer de belles amitiés, de belles personnes. Tu oseras changer de formation, de travail à plusieurs reprises. Tu ne te laisseras pas tomber, tu ne laisseras personne te détruire. Tu rebondiras à chaque fois. Tu rebondiras toujours. Laura tu vas grandir et tu seras heureuse. >>
Plusieurs thérapeutes m’ont parlé de « guérir » mon enfant intérieur. Un petit être fragile qui, visiblement aurait besoin d’être rassuré. J’ai donc tenté l’hypnose à plusieurs reprises mais je n’ai pas su lâcher prise, je n’ai pas été réceptive. J’ai tenté de me mettre en positon fœtale, pour le sentir, pour le consoler, mais en vain. J’ai tenté de lui parler devant un miroir, sous la douche, et la seule chose que j’ai réussi à faire c’est de faire rire mon conjoint qui passait par là. Pour terminer j’ai tenté de lui écrire une lettre, de la plier en sept et de la brûler un soir de pleine lune. Mais en vain, encore une fois. Alors, j’ai décidé de changer de méthode. Je ne vais pas le guérir lui, je vais me guérir moi.
- Mon enfance ? Quelques flashs, quelques images vidéo, quelques photos. Je me souviens de rouler pendant des heures dans des montagnes aux paysages sublimes en direction du Puy en Velay. Je me souviens de la Vierge, de la superbe vue que l'on contemplait une fois en haut. Je me souviens également prendre la route direction la Vendée, avaler des médicaments homéopathiques pour éviter d’avoir la nausée. Je me souviens également d’un Noël, d’un joli moment en famille où je découvre que le Père Noël a pensé à m’offrir ma merveilleuse maison de poupée… Je me souviens d’un mariage précis sur Donzère d’une de nos cousines Florence, mais aussi de l’anniversaire de ma tante Jocelyne à la chocolaterie.
Mes parents habitaient dans une belle maison sur Donzère. Des arbres fruitiers, une cabane, une piscine, un grand très grand jardin. Si je ferme les yeux, j’imagine chaque couleur, chaque meuble. J’arrive même à sentir l’odeur du bois qui brûle. Cette belle cheminée qui laissait entrer le Père Noël pour qu’il puisse manger sa mandarine et nous gâter de beaux cadeaux. Je me souviens l’avoir attendu sur le canapé, finissant par comprendre qu’il s’agissait de mes parents. Je revois mon Papa nous tenir la perche pour nous apprendre à nager en faisant le tour de la piscine. Je nous revois jouer à « pousse pieds », à l’avion, et à Fort Boyard. On s’amusait à escalader les meubles de la chambre pour attraper une clé sans mettre les pieds au sol. On plantait des clous dans un tronc d’arbre, à celui qui finira en premier. On faisait même de la luge dans un bidon bleu coupé en deux. On fêtait tous les anniversaires à la maison et je salive encore à l'idée de voir ma mère nous cuisiner son gâteau au chocolat, ce goût que je n'ai d'ailleurs jamais oublié. On avait chacun sa chambre, chacun sa décoration, chacun ses jouets, chacun son bureau, chacun ses étagères faites par mon père. On avait beaucoup de chance. Ma chambre était jaune orangé, synonyme de lumière et clarté. Je pouvais jouer pendant des heures à la poupée, à la dinette toute seule. Cyril qui a six années de plus que moi, avait une chambre grise décorée tout en Coca Cola, de la couette, au réveil. Tout était dans les tons rouge et gris, ce qui reflétait son côté hyperactif mais protecteur. Un garçon gentil, même trop gentil et mal entouré. Il avait beaucoup de potes, dont la majorité était hypocrite et sans cacahuètes. Des vrais têtes de cons que j'ai toujours détesté. Mais mon frère c'est quelqu'un de bien. Il voit que le bon côté des gens et ça, c'est une grande qualité. Lionel lui, a deux années de plus que moi. Il est plus calme, plus introverti. Il possédait une chambre bleu nuit, un petit bureau d’écolier en bois et Droopy de Tex Avery sur sa couette. Un autodidacte, habile de ses mains. Le commercial de la famille, le solitaire intelligent, le musicien, l'informaticien, le mécanicien. Il était très chanceux, il trouvait tout le temps des sous par terre. Partout. Contrairement à lui, moi j’avais tendance à les perdre ou à les dépenser dans les bonbons ou dans des petits cadeaux pour mon entourage. J’ai toujours eu cette mauvaise manie d'acheter pour faire plaisir. Ce besoin anti-culpabilisant de toujours prouver mon amour. Je fais partie de ces personnes qui ne viendront jamais les mains vides à un repas, je suis capable de m’excuser cinquante fois, si en dernière minute ce serait le cas.
En bref, cette maison, vous l'avez compris, c’était la maison parfaite à mes yeux et mes parents se sont tués au travail pour que nous ne manquions de rien. Ils nous ont transmis les valeurs de la famille et du partage. Mon papa était menuisier, gentil mais nerveux, à la force d’acier. Il travaillait beaucoup. D’ailleurs quand il partait tôt le matin, je me levais pour rejoindre maman mais, surtout pour piquer tous les bonbons qu’il cachait sous son oreiller. C'était le beau gosse modeste au grand cœur. Humble et discret. Maman, quant à elle, s’occupait de nous et cumulait des petits boulots, c’était une vraie guerrière. Une femme très intelligente, forte et courageuse qui adorait chanter Edith Piaf et Barbara. Elle était belle, elle avait peur de rien.
Il y a toujours deux visions de la vie. Celle que tu acceptes de voir et celle que tu occultes. J'ai malheureusement ouvert les yeux de façon trop brutale, et c'est à ce moment là que j'ai tout compris. Ma maman était fragile. Elle souffrait. Elle était en manque d'amour de son père, et détruite par la perte de sa mère. Elle pouvait passer son temps à se convaincre que ce n'était rien, qu'elle était plus forte que tout ça. Mais ses traumas ont eu un impact sur elle et sur le reste de sa vie. Elle a rencontré la mauvaise personne, au mauvais moment et mes parents se sont séparés quand j’avais seulement neuf ans. Ce qui était difficile ce n’était pas la séparation en elle-même, c’était cette procédure autour du divorce, lourde et longue. On ne parle pas de deux êtres qui se séparent, on parle d’une famille qui se détruit. Je ne détaillerai pas ce passage difficile qui a duré presque trois années. Trop de haine, trop de disputes, trop de souffrances et de jalousie.
J'ai déménagé sur Viviers en CE2. A cette époque j’étais la seule à vivre ça dans ma classe. J’avais honte d’en parler. J’avais honte de ce que je vivais et de la tournure que ça prenait. Mes frères sont partis vivre chez mon père. Et moi, j'ai suivi ma mère. A ce moment-là, elle commençait déjà à faire n’importe quoi et une procédure d'enquête avait été mise en place. Je cachais à mes amis que le mardi soir ou le mercredi midi je mangeais avec une assistante sociale. Je cachais à l'assistante sociale que le nouvel ami de ma mère c'était le Kir, et que son nouveau mec était aussi imbibé. Je savais que ce n'était pas normal de me retrouver à la Croix Bleu, j'étais consciente que l'environnement dans lequel je vivais parfois n'était pas sain. Mais je ne disais rien. Je cachais tout. C'était difficile pour moi de penser du mal de ma mère, je devais la protéger. Elle se crevait le cul à faire des ménages pour remplir mon assiette. Elle osait demander l'aide à la Banque alimentaire ou au Resto du cœur. On allait cherchait nos colis remplis de courses, sans se plaindre et avec le sourire. On partait en vacances grâce au CCAS de Viviers. C'était une chance et je n'avais pas le droit de la décevoir.
Quand tes parents se séparent c'est triste mais quand ta fratrie se divise c'est pire. C’était sans doute l’une des périodes les plus difficiles de ma vie. J'étais d'ailleurs, suivie par un psychologue car je me faisais vomir. Je jonglais entre les embrouilles d'adultes, les disputes, les bagarres, l'organisation des vacances et des week-ends, les frangins qui grandissaient avec une éducation différente de la mienne. Ma mère travaillait beaucoup, donc elle partait tôt, elle rentrait tard. J'allais à l'école toute seule, je faisais mes devoirs, je partais jouer avec mes copines sans que l'on se soucie de moi. Je rentrais mettre la table pour le repas, et j'attendais le retour de ma mère. Un retour qui finissait souvent en dispute en claquant la porte de la chambre. J'étais constamment partagée entre l'amour et la colère qui grandissait en moi. Je faisais attention à mes gestes, à mes paroles. Je devais prouver à tout le monde que j'étais une bonne élève, bien élevée et que je manquais de rien. Je devais prouver à ma famille, et à mon père qu'il ne fallait pas s'inquiétait, que j'étais bien, que j'étais heureuse.
Arrive un jour particulier. Il sera sûrement différent de tous les autres, et ce de loin. La dernière fois que mes parents se sont réellement parlés, c’était au tribunal des affaires familiales de Valence. Depuis, la loi du 5 mars 2007, le droit à la parole de l’enfant est complètement reconnu et admis. La loi ne demande pas d’âge précis, faut simplement que l’enfant soit capable d’analyse et de discernement. Je dois avouer, avec du recul que j’aurais pu choisir une vie tout autre si j’avais pris une autre décision. J’étais une enfant, je devais faire un choix impossible et j’étais terrifiée. J'entends encore la Juge me posait cette question que je n'oublierai jamais, « Laura, avec qui veux tu vivre ? » J'étais assise au milieu de mes deux parents. Je tremblais comme une feuille. J'ai répondu de manière spontanée, « avec ma Maman, je refuse de la laisser toute seule. » J’avais seulement onze ans j'étais en CM2 et j'avais terriblement peur qu’elle m’abandonne. Je savais qu’elle aurait pu tout quitter du jour au lendemain, et ma pire angoisse c’était de vivre sans ma mère.
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Commentaires
Tu as toujours eu ce don pour l'écriture . Hâte de lire la suite de ton histoire. 😘
Oh merci ❤️❤️
Jamais je ne t aurai abandonné
Le temps guérit les blessures. 😊
Toujours émue de te lire laura....Tu es admirable dans ta démarche d introspection de ta vie d avant, toute la sensibilité que tu y révèles et l amour de ta famille.
Ohhhh merci beaucoup 🥰